Hivernage 2013/2014
C’est par 76° nord, à Savissivik au pied du Cap York, tout au nord de la côte occidentale du Groenland, que vivent cinquante inuit isolés du reste du monde par un désert de glace à 300 km à la ronde.
Ici la vie est rude et la chasse est encore un véritable moyen de subsistance. Grâce à elle, douze chasseurs subviennent toujours aux besoins de leur famille. Jusqu’en 1818, année où l’Amiral Ross découvre les Inuit du Grand Nord, ces derniers se pensaient seuls au monde.
Ils chassaient l’ours polaire pour se vêtir et se nourrir comme cela se pratique aujourd’hui. Depuis, les échanges avec les flottes de baleiniers et la colonisation danoise ont modifié la donne.
La communauté est maintenant approvisionnée par cargo deux fois l’an, en juillet et en septembre.
Mais plus qu’ailleurs au Groenland, la chasse est un élément identitaire très fort et les codes de chasse et de partage sont scrupuleusement respectés.
Lorsqu’en pleine nuit polaire sur la banquise, un chasseur arrive en vue du village avec sur son traineau, un chargement de viande d’ours découpé, il fait clignoter sa lampe pour inviter les habitants à sortir de chez eux, et à le retrouver devant sa maison pour écouter le récit de cette dernière chasse et profiter de cette manne de nourriture fraiche.
Le gros de cette prise profite bien sûr à la famille directe du chasseur. Si un autre membre de la communauté porte le nom d’un membre décédé de la famille du chasseur, il fait partie de la famille élargie du chasseur. Ces règles socioculturelles ont été fondées et respectées pour permettre la survie du groupe.
En 2014 sur Savissivik, il n’est plus question de survie, mais le partage y est plus qu’ailleurs scrupuleusement respecté. Cette pratique par le passé, leur a permis de traverser des périodes de famine, aujourd’hui elle porte les valeurs de la culture et l’identité Inuit.
Lire le récit d’une chasse à l’ours
« Nanorruaq ! Un ours les yeux dans les yeux
- 32°, le temps est magnifique. Par cette température, les patins de l’attelage crissent sur la fine pellicule de neige. La visibilité est excellente. On distingue au loin les contours du Cap York. Les chasseurs croisent souvent des ours dans les fjords de ce secteur et c’est précisément vers eux que nous nous dirigeons.
Nous avons pris place sur les traineaux d’Olennguaq et Marcus. Sous les premiers rayons du soleil, les deux meutes d’une quinzaine de têtes, nous arrachent du village pour une campagne de chasse qui devrait durer plusieurs jours… »